Sur une période de 600 ans, le territoire, à qui le Velay doit son nom, diffère certainement dans ses limites entre les premières occupations celtes et le ‘’pagus Vellaicus’’ gallo-romain.
Un territoire fluctuait.
Jacques Lacroix, dans son livre ‘’les frontières des peuples’’ (collections ‘’uesulanios’’), parle d’un système multipolaire : nombreuses séries de peuples et peuplades qui aux grés de leurs volontés, de leurs vicissitudes, de leurs scissions ou rassemblements, de leurs alliances, occupaient une terre plus ou moins grande/importante.
Parler d’une ‘’frontière’’ au sens moderne du terme ne peut s’appliquer sans intégrer cette mouvance, ni même sans intégrer une réalité d’une zone tampon, plus que d’une réelle limite physique.
Dans une étude exhaustive des frontières celtes ou gauloises du Velay, il conviendrait de relater l’occupation d’un sol au regard des différentes phases d’expansions des peuples celtes et de leurs facultés d’assimilation des proto-peuples déjà présents sur les terres occupées.
(Nous vous renvoyons au tome 2 ‘’Le Velay, des premiers temps de l’histoire à la conquête romaine’’ de Jacques Vicomtes, Le Puy-en-Velay 1975, 5 tomes au total).
Pour autant, les nombreuses querelles entre les tribus ont lentement apporté cette nécessité de ‘’marquer’’ des limites territoriales (espaces fortifiés, temples ou zones cultuelles, dénomination géographique d’une limite) au risque de les voir passer sous une autre domination.
Cette terre celte du Velay garde des traces et indices de ce qui peut nous apparaitre comme des limites d’un territoire.
Sous quels aspects se présentent-ils ?
Ce que nous vous proposons ici est volontairement synthétique.
Les frontières du Velay celte/gaulois dépassaient les limites départementales actuelles.
Selon les études de A. Boudon Lashermes (‘’le Velay gallo-grec’’), elles s’enfonçaient dans la Haute-Ardèche (près d’Annonay, Saint-Julien-Vocance, Nozières).
Elles touchaient Saint-Julien-Molhesabate, Saint-Sauveur-En-Rue et Marlhes.
Il semble que le Velay s’enfonçait aussi jusqu’au Rhône où il avait un port à Saint-Pierre-De-Bœuf (en 1297, ce lieu faisait à priori parti du diocèse du Puy). Pouvons-parler d’une réelle frontière, d’une enclave vellave ou d’un lieu centralisant des relations étroites entre le peuple vellave et les peuples du vivarais rhodanien (Allobroges, Helviens, Segussovelaunes (cf note bas de page))?
La question demeure à ce jour ; il est cependant à noter qu’à hauteur de Le Péage-Sur-Roussillon, les cartes IGN mentionnent toujours un lieu-dit près de Chézenas : ‘’Le Velay’’... .
Au sud, nous trouverons Siaugues-Sainte-Marie, Monistrol-d’Allier, Pradelles et Langogne (probablement zone de transition des marchandises venant de Bollène pour embarquement sur le Liger antique, dans l’ancienne vallée de Naussac), la limite territoriale poussait jusqu'au col de la Chavade.
Le camp d’Antoune, à Salettes, est présenté autant comme un camp romain frontalier surveillant un axe de communication, que comme un site antérieur celte juché sur un éperon barré d’une muraille.
Plus vers le nord, la forêt sise à Saint-Didier-En-Velay marquait une zone tampon, possiblement cultuelle, entre les ségusiaves (départ de la vallée d’Aurec-Sur-Loire/Firminy vers le Forez) et les Helviens (Départ au Mont Pilat et le long du Rhône). Usson-En-Forez est mentionné sur la carte de Peutinger comme ‘’icidmago’’, mago signifiant ‘’marché’’, il est probable que ce trouvait ici une zone d’échange et de commerce.
Ce territoire s’enfermait dans des limites géographiques facilement repérables :
sillon de l’Allier moderne, le Mézenc et Boutières, la forêt de la Séauve, le Pilat, confluent de la Semène et de la Loire moderne,
plateau de Craponne/La Chaise Dieu, chaîne des sommets d’Allègre, col de Fix et ses forêts.
Dans cette question des frontières, l’étymologie permet également de renseigner certaines origines ou filiations de noms de lieux que l’histoire nous a laissé en héritage.
Il est à noter que deux appellatifs existent pour définir cette notion de frontière : Randa : signifiant ‘’limite’’, ‘’bord’’ et Morga : signifiant ‘’frontière’’, ‘’marge’’.
A cela pourrait se rattacher aussi l’appellatif Canto (désignant un bord circulaire, une circonférence, un côté dans sa forme gauloise, la forme celte signifiant cent), dont un emploi frontalier se dégage pour désigner des régions, des communes et lieux-dits, des hauteurs, des cours d’eau.
Chacun de ces appellatifs se retrouvant dans des formes dérivées dites simples ou composées.
Le radical Randa se retrouve ainsi :
- Suc de la Durande, Truc de Randon, suc de Géorand, Muserand,
- le ruisseau la Rimande,
- les villages de Malmarande / Egarande (aussi un ruisseau, pour une forme composée originelle Icuo-Randa, soit limite d’eau) / Talarand,
- les lieux-dits de Randon (Saint-Didier-en-Velay, Présailles).
Le village de La Chamarande à Saint-Victor sur-Arlanc tire son nom d’une forme composée : Cama-Randa, soit ‘’la limite du chemin’’.
Pour le radical Morga, nous trouvons le ruisseau de la Morge (petit affluent de l’Allier moderne) qui donne aussi son nom à un hameau qu’il traverse près de Saint-Georges-d’Aurac.
Les Monts de la Margeride dont le nom est un composé de Morga-Rita, soit ‘’passage/gué de la frontière’’, était une zone frontière où l’on retrouve le hameau de Dièges du terme Devo, fréquemment utilisé aux frontières en Gaules.
Des formes évoluées ont donné le nom de Sainte-Marguerite au sud-est de Brioude ; Le Margery, ferme près de Présailles (et à 6 km environ vers Laussonne, nous trouvons le hameau de Ussel, de la forme Uxello/Uexel, signifiant ''haute-limite''… .
Enfin, Canto, a donné:
- la Cance, ruisseau à Saint-Bonnet-le-Froid,
- les lieux-dits de Chantey près de Désaignes, Chantilhac près de Ceyssac (frontière commune avec les Gabales et les Arvernes),
- Chanteuges (Canto-ialo, littéralement clairière circulaire et dans sa signification évoluée : village frontière).
Tous ces lieux bornent la frontière du Velay antique.
Les Segussovelaunes:
Ainsi mentionnés par Boudon Lashermes et par Auguste Aymard : les SegoVellaunes.
Peut-être s'agit-il ici plus d'une dénomination précisant une relation (commerciale et familiale notamment) étroite entre deux peuples plutôt que nommant deux peuples ayant fusionné.
Les chercheurs mentionnent et questionnent ce genre de dénomination à plusieurs reprises dans le monde et l'ère celte (par exemple, les Ibero-Ligures).
Le cas des Celtibères (Espagne actuelle) semble être la seule acceptation connue d'une réelle fusion entre peuples par un long processus d'assimilation par vagues successives.
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